La structuration fiscale des groupements associatifs représente un enjeu stratégique majeur dans un contexte où l’optimisation des ressources devient cruciale pour le secteur non lucratif. Explications.
Les récentes évolutions législatives ont considérablement enrichi la palette d’outils à disposition des organisations, notamment avec l’introduction du régime dit « groupe TVA »¹, qui vient compléter les dispositifs préexistants comme l’article 261 B du code général des impôts (CGI) pour le groupement de moyens ou les mécanismes de mise à disposition de personnel et de services entre entités liées. Les dernières modifications apportées par la loi de finances pour 2025 élargissent encore les possibilités offertes aux groupements associatifs avec la suppression du surplus d’imposition de taxe sur les salaires² dans le cadre du groupe TVA. Cette multitude d’options peut être complexe à décrypter pour un dirigeant associatif.
Retour sur une analyse approfondie des implications fiscales des différents mécanismes en mettant en lumière leurs avantages comparatifs, leurs contraintes respectives et leurs conditions d’application.
Qualification fiscale du groupement
L’administration fiscale s’attache à examiner la situation de chaque entité du secteur non marchand selon la méthode dite des « 4P »³ (produit, public, prix, publicité) pour déterminer le caractère lucratif ou non des activités. Cette analyse conditionne l’assujettissement aux impôts commerciaux – à savoir l’impôt sur les sociétés (IS), la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et la contribution économique territoriale (CET) – et constitue le socle de toute stratégie fiscale.
La constitution d’un groupe d’organismes sans but lucratif (OSBL) peut venir complexifier la question fiscale, notamment dans le cadre des prestations rendues entre les membres pour une meilleure mutualisation, ainsi que sur les notions fiscales de relation privilégiée⁴ avec une entreprise – lorsque certains membres du groupement sont des sociétés – ou de complémentarité commerciale⁵ avec une filiale – lorsqu’il y a des liens capitalistiques entre une structure OSBL du groupe et une société commerciale.
Une attention accrue doit alors être portée à la rédaction des statuts de l’ensemble des membres (objet social), aux liens juridiques ou capitalistiques qui peuvent exister avec des sociétés commerciales, à la gouvernance de chacune des structures⁶, ainsi qu’à la contractualisation juridique des prestations entre chacun des membres.
La jurisprudence récente⁷ témoigne d’ailleurs d’un examen de plus en plus attentif des flux financiers entre entités d’un même groupe associatif.
Avantages fiscaux liés à la reconnaissance
La reconnaissance officielle d’un groupe associatif peut ouvrir droit à divers avantages fiscaux pour ses membres :
- possibilité de bénéficier des exonérations d’IS et de TVA spécifiques aux organismes sans but lucratif⁸;
- accès aux régimes de faveur en matière de dons et mécénat⁹;
- application potentielle de la franchise des impôts commerciaux (80 011 euros pour 2025 ¹⁰) sur une base consolidée dans certaines configurations ;
- mutualisation des moyens permettant d’optimiser la gestion fiscale globale. Il convient toutefois de souligner que ces avantages s’accompagnent d’obligations déclaratives spécifiques dont le non-respect peut entraîner des sanctions significatives.
Risques fiscaux spécifiques
L’organisation en groupe associatif génère des risques fiscaux propres qu’il convient d’anticiper :
- risque de remise en cause du caractère non lucratif en cas de relations économiques déséquilibrées entre membres ;
- problématique des subventions croisées pouvant être requalifiées en actes anormaux de gestion ;
- risque d’assujettissement à la TVA sur des opérations internes insuffisamment documentées ;
- enjeux liés à la territorialité fiscale pour les groupes opérant dans plusieurs pays.
Une cartographie précise de ces risques constitue un préalable indispensable à toute structuration fiscale efficiente du groupe.
Le groupe TVA : opportunités et contraintes fiscales
Le dispositif du groupe TVA est codifié aux articles 256 C et suivants du CGI. Il permet à des entités¹¹ indépendantes juridiquement mais liées sur les plans financier, économique et organisationnel d’être considérées comme un assujetti unique à la TVA. Une seule structure, le représentant, déclare la TVA pour l’ensemble du groupe.
La mise en place du dispositif permet de supprimer la TVA sur toutes les facturations entre membres du groupement, sans pour autant que le régime de TVA applicable aux prestations de services et livraisons de biens au bénéfice de tiers ou au profit de l’assujetti unique soit modifié. Cela permet également une représentation fiscale unifiée, ainsi qu’une solidarité de versement entre les membres du groupe. La composition du groupe peut aussi entraîner des impacts sur le coefficient de déduction¹².
La qualification du lien entre membres du groupe est démontrée comme suit :
- lien financier : participation directe ou indirecte d’au moins 50 % du capital ou des droits de vote ;
- lien économique : activités principales de même nature, activités complémentaires ou interdépendantes, ou activité réalisée en totalité ou en partie au bénéfice des autres membres ;
- lien organisationnel : direction commune en droit ou en fait.
Pour les organismes associatifs, la démonstration de ces liens nécessite une analyse approfondie des statuts et des relations effectives entre entités. La loi de finances pour 2025 apporte des précisions importantes sur les modalités pratiques d’application du groupe TVA, avec une simplification des formalités administratives, un aménagement des modalités de sortie du dispositif et la clarification d’un certain nombre d’opérations complexes¹³.
L'article 261B du CGI : un dispositif adapté aux spécificités associatives
L’article 261 B du CGI prévoit une exonération de TVA pour « les services rendus à leurs adhérents par les groupements constitués par des personnes physiques ou morales exerçant une activité exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée ou pour laquelle elles n’ont pas la qualité d’assujetti ».
Ce dispositif, particulièrement adapté au secteur associatif, est soumis à plusieurs conditions cumulatives avec la constitution d’un groupement formalisé dont les services ne sont rendus qu’aux seuls membres, au profit des activités exonérées (ou non assujetties) de chacun des membres, avec une imputation
des dépenses selon une clé de répartition et une refacturation à prix coûtant. La mise en œuvre de l’article 261 B s’accompagne d’obligations déclaratives spécifiques :
- déclaration d’existence du groupement auprès de l’administration fiscale ;
- tenue d’une comptabilité analytique permettant de justifier la répartition des coûts ;
- conservation des justificatifs détaillant l’utilisation des services pour des activités exonérées ou non assujetties ;
- mention explicite de l’exonération sur les factures émises.
Ces obligations constituent un point de vigilance majeur lors des contrôles fiscaux, qui ciblent fréquemment ce dispositif.
À noter que les prestations du groupement ne peuvent être utilisées au profit des activités taxables des membres.
Mutualisation et mises à disposition
La mise à disposition (MAD) de services ou de personnel constitue une pratique courante au sein des groupes associatifs¹⁴. Sa qualification fiscale dépend de plusieurs
critères.
S’agissant de la mise à disposition de personnel :
- la mise à disposition de personnel à but non lucratif s’inscrit dans le cadre des articles L. 8241-1 et L. 8241-2 du code du travail. Pour être considérée comme non lucrative, cette mise à disposition doit être refacturée
à l’euro¹⁵ afin d’éviter toute qualification d’activité concurrentielle – notamment avec une agence d’intérim ; - la mise à disposition de personnel à but non lucratif requiert trois conditions de forme : l’accord du salarié concerné, une convention de mise à disposition formalisée – qui détermine notamment la durée du prêt – et un avenant au contrat de travail.
Pour la mise à disposition de services et de locaux, les critères sont les suivants :
- nature du service (administratif, technique, etc.) ;
- individualisation possible des prestations ;
- mode de valorisation et de refacturation.
Il sera nécessaire de signer une convention de mise en commun de moyens qui spécifie les modalités de détermination du prix (coût direct majoré d’éventuels coûts indirects liés à la gestion de l’activité mutualisée). Pour la mise à disposition de locaux, il conviendra d’analyser les conditions appliquées (refacturation de la part des charges incombant à la durée d’utilisation), la nature de la location (logement personnel ou activité professionnelle, meublée ou non meublée, etc.), ainsi que le bénéficiaire de la mise en commun (entreprise du secteur lucratif ou OSBL).
D’autres flux entre membres du groupe peuvent avoir lieu, notamment les prêts de trésorerie. Instauré par la loi de 2021¹⁶ visant à améliorer la trésorerie des associations et assoupli par la loi de 2024¹⁷ visant à soutenir l’engagement bénévole et simplifier la vie associative, ce dispositif permet
aux organismes sans but lucratif d’octroyer, à titre accessoire à leur activité principale, des prêts sans condition de durée (deux ans) ni de taux (0 %) à d’autres organismes sans but lucratif avec lesquels ils entretiennent des relations étroites, telles que l’adhésion, ou avec lesquels ils participent à un groupement prévu par la loi ou constitué sur une base volontaire¹⁸.
Ces prêts devront faire l’objet d’un contrat de prêt approuvé par l’organe de direction de l’organisme prêteur et être mentionnés, avec leurs conditions et leur montant, dans le rapport de gestion ou d’activité et l’annexe aux comptes annuels.
Conclusion
Le choix du dispositif optimal repose sur l’analyse de plusieurs critères tenant compte des dernières évolutions législatives :
- la nature des activités (taxables, exonérées, hors champ) ;
- l’intensité des flux internes au groupe ;
- la structure juridique et la gouvernance du groupement ;
- les particularités de chacun des membres.
Il convient de formaliser cette analyse et de la documenter par la mise en place de conventions.
L’optimisation fiscale des groupements associatifs connaît une évolution significative avec l’élargissement du dispositif du groupe TVA par la loi de finances pour 20253.
Cette réforme, conjuguée aux mécanismes préexistants comme l’article 261 B du CGI et les dispositifs de mise à disposition, enrichit considérablement la palette d’outils fiscaux à disposition des structures associatives.
Article co-écrit par :
- Fanny Binot, Expert-comptable, membre du comité «Associations », Ordre des experts-comptables Paris Île-de-France ;
- Dorothée Damien, Expert-comptable, membre du comité «Associations », Ordre des experts-comptables Paris Île-de-France.
¹. V. not. JA 2022, no 656, p. 37, étude T. Guillois et C. Bur; JA 2023, no 675, p. 39, étude T. Guillois et J. Chevalier; JA 2024, no 692, p. 37, étude A.-L. Benoist, R. Lalanne et V. Deboudt; JA 2024, no 708, p. 37, étude A. Becquart et L. Berche.
². L. no 2025-127 du 14 févr. 2025, JO du 15, art. 36; v. JA 2025, no 714, p. 7, obs. R. Fievet.
³. BOFiP-Impôts, BOI-IS-CHAMP-10-50-10-10 du 16 avr. 2025, § 60.
⁴. BOFiP-Impôts, BOI-IS-CHAMP-10-50-10-30 du 12 sept. 2012, § 30
⁵. BOFiP-Impôts, BOI-IS-CHAMP-10-50-20-10 du 3 oct. 2018, § 650.
⁶. TA Rennes, 22 nov. 2023, no 2100196: absence de gestion désintéressée lorsque le siège social et les dirigeants d’une association et d’une SAS sont partagés ; v.JA 2024, n]706, p 37, étude E. Delfosse.
⁷. TA Cergy-Pontoise, 10 janv. 2023, no 1915799: une association entretient des relations privilégiées avec ses membres lorsque ces derniers peuvent bénéficier directement des ressources de l’association (revenus, cotraitance en cas d’appel à projets, etc.) ; v. JA, 2023, n°674, p.11, obs. R. Fievet.
⁸. CGI, art. 206, 1 bis et 261, 7, 1o.
⁹. CGI, art. 200 et 238 bis.
¹⁰. BOFiP-Impôts, BOI-IS-CHAMP-10-50-20-20 du 16 avr. 2025.
¹¹. Assujettis établis en France uniquement.
¹². BOFiP-Impôts, BOI-TVA-DED-20-10-40 du 12 sept. 2012.
¹³. L. no 2025-127, art. 36, préc.
¹⁴. V. égal. en p. 31 de ce dossier.
¹⁵. «Une opération de prêt de main-d’œuvre ne poursuit pas de but lucratif lorsque l’entreprise prêteuse ne facture à l’entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition.» (C. trav., art. L. 8241-1).
¹⁶. L. no 2021-875 du 1er juill. 2021, JO du 2; v. JA 2021, no 644, p. 43, étude E. Benazeth; JA 2025, no 716, p. 24, étude M. Traquelet in dossier « Trésorerie – Jeu de cash-cash».
¹⁷. L. no 2024-344 du 15 avr. 2024, JO du 16; v. JA 2024, no 698, p. 6, obs. A. Kras.
¹⁸. CMF, art. L. 511-6, 1o bis, mod. L. no 2024-344, préc.


